Photo: Loris Von Siebenthal

Publié dans le journal : La Pépinière (jardinez votre culture)
8 mai 2022
Fabien Imhof

Excusez-moi, susurre Pierre Miserez dans son nouveau spectacle, à voir du 3 au 15 mai au Crève-coeur. Mais s’excuser de quoi à vrai dire ? En tout cas pas de provoquer les éclats de rire… !

Tout commence sur un air d’accordéon : Pierre Miserez débarque depuis le fond de la salle et entonne un air en allemand… avant de recommencer plusieurs fois. C’est qu’il a des problèmes de mémoire, nous dit-il. À 71 ans, monter encore seul sur scène, ce n’est pas une mince affaire ! Le ton est rapidement donné : ce soir, on va rigoler, avec quelques apartés musicaux, on va parler de la Suisse… Mais que nous réserve-t-il d’autre, derrière les rideaux rouges de son décor ? D’autres instruments de musique, des costumes et quelques accessoires. Tout cet attirail lui permettra d’enchaîner les sketches, sans forcément toujours de fil conducteur, mais qu’importe ? Il s’amuse et le communique au public, c’est bien là l’essentiel !

Une énergie folle 

On admire, tout d’abord, l’énergie débordante de Pierre Miserez, à 71 ans ! Loin de se contenter d’un spectacle de stand-up dans lequel il pourrait s’adresser aux spectateur·trice·s en restant tranquillement derrière son micro, c’est tout le contraire qu’il nous propose ! Grimpant sur une échelle ou un monocycle, effectuant des pirouettes ou encore dansant, Pierre Miserez se donne à fond, prend du plaisir et en offre. Même dans sa manière de s’exprimer, il dégage une incroyable énergie, n’hésitant pas à alpaguer celles et ceux qui ne rient pas quand il le faut, à crier pour mieux incarner certains personnages, ou à chanter avec toute la verve nécessaire. Le tout avec son accent typiquement jurassien si mélodieux… on en redemande !

Tout y passe 

D’où lui vient ce titre, Excusez-moi, me demanderez-vous ? Tout simplement de la Suisse : notre pays dans lequel nous passons notre temps à nous excuser pour un oui ou pour un non. Un peu cliché ? Sans doute, mais c’est bien en tirant à fond sur cette corde que l’on peut parvenir à faire rire. Et quand il y a une réflexion derrière, c’est d’autant plus fort ! Ainsi Pierre Miserez, du haut de ses cinquante ans de carrière, se questionne sur l’évolution de l’humour et ce qu’on ne peut plus dire en 2022. Par un biais comique, il reprend d’anciens codes, tout en ayant l’air de ne pas le faire : des accents à la Michel Leeb, considérés

comme racistes, mais qui faisaient tant rire dans les années 90, ou des déguisements grotesques qui mettraient aujourd’hui le public mal à l’aise. L’humoriste jurassien joue avec cela, avec une immense bienveillance, si bien que lorsqu’on croit qu’il part dans une pente glissante, il se rattrape bien vite avec une pirouette verbale, et retombe sur ses pattes ! C’est qu’il a l’oeil bien aiguisé, ce Pierre Miserez !

Excusez-moi, c’est aussi et surtout un spectacle complet, qui fait écho à la longue carrière de l’humoriste. On parlait de son énergie, elle se retrouve dans tous les arts qu’il propose : du clown à la musique, en passant par l’interprétation de certains personnages. C’est d’ailleurs avec ces derniers qu’il dialogue régulièrement, se posant la question de savoir si leur texte est bon, s’ils font toujours rire, s’ils n’ont pas, eux aussi, un peu vieilli… Et de faire écho à l’évolution de l’humour qu’il ne veut ni vieillissant ni dépassé. Il s’imagine même en EMS, dans vingt ou trente ans, à continuer de faire rire les infirmier·e·s… Et il en est bien capable, le bougre !

Pierre Miserez : Longue vie à votre humour, et vivement la suite !

Sources: https://lapepinieregeneve.ch/pierre-miserez-ce-circassien-de-lhumour/
Photos : © Loris von Siebenthal