Miserez s’en excuserait presque!
L’EXPRESS – LE MAG
2 décembre 2014
RETOUR: L’humoriste présente son nouveau one-man-show au théâtre du Pommier.
Un renouveau. Une renaissance. C’est en ces termes que Pierre Miserez situe son dernier spectacle solo, qui débarque en fin de semaine sur la scène du Pommier à Neuchâtel.
En 2010, un gros pépin de santé met, en effet, l’humoriste neuchâtelois sur la touche. C’est en Valais qu’il reprend pied avec la Cie, la Swiss Comic Connection, puis sur la scène du Crève-Coeur, à Genève. “J’y avais convié Cuche et Barbezat; nous avions chacun 45 minutes à disposition. Comme ils ne venaient pas jouer le samedi, j’ai testé un nouveau one-man-show”, retrace Miserez, qui n’a pas hérité à faire la route de Genève à Yverdon pour nous en parler.
Anne-Marie Yerli l’a aidé à se mettre en confiance, puis, appelé en oeil extérieur, Jean-Luc Barbezat lui insuffla un grain de folie supplémentaire. Ce spectacle, que j’ai intitulé “Excusez-moi”, car on s’excuse souvent en Suisse, touche à tous les domaines.” Tendre, fragile, moqueur, Miserez brocarde son pays, il parle de l’aigreur, de la jeunesse et de la vieillesse, de la mort. Bien décidé à repousser l’échéance, le troublions truffe ses numéros d’acrobaties, de jongleries, d’instruments de musique. Tel Dimitri. Son maître. Tel un clown poétique, mais déjanté, toujours. “Dans ce spectacle, on passe très vite du rire à l’émotion, je tenais beaucoup à ces contrastes.”
Zone de turbulences
Il dévide le fil de ces années, contraste que c’est dans les moments de souffrance et de solitude que surgissent beaucoup d’idées. L’artiste a d’ailleurs traversé une autre zone de turbulences en 1990, lorsqu’une grave dépression le jeta au tapis. “J’avais joué non-stop pendant dix ans, je n’en pouvais plus.” Miserez se reconstruit en faisant du théâtre, notamment avec les metteurs en scène Jean-Louis Hourdin et Gérard Demierre. Il s’embrigade dans les revues de Cuche et Barbezat, de Bouillon, et trouve, dans l’enseignement de son art, une parade financière aux aléas du métier.
Un oeil sur le rétroviseur, l’humoriste confie que les choses ne se sont pas passées telles qu’il l’aurait souhaité. “A 30 ans, j’imaginais que le connaîtrais la notoriété d’un Jamel Debouzze aujourd’hui. Mais à force de s’acharner sur une porte, d’autres s’ouvrent dans notre dos. Jamais, par exemple, je n’aurais imaginé pouvoir enseigner un jour, ni faire un spectacle en Suisse alémanique”.
Un brin philosophe, Miserez a également appris à prendre du recul, sur son lit d’hôpital. La vie, l’amitié, les moments de solitude ont pris de l’importance pour cet homme plus ouvert, désormais, à la dimension spirituelle de l’existence. Il est délivré de l’obsession de la réussite, mais il n’envisage pas pour autant de raccrocher. “Plus j’avance en âge, plus j’ai besoin de créer et d’apprendre – je dévore les livres en anglais et en allemand -, sans doute parce que je me pose toujours trop de questions”.
Sur la liste de ses envies, cet artiste à fleur de peau inscrit le désir de tourner son spectacle le plus longtemps possible. “Pendant plus d’une année, je ne ferai que des petites salles, cela me convient bien.” Réceptif à la détresse des gens rejetés dans la marge, il rêve, aussi, de donner des stages de théâtre aux chômeurs en fin de droit, aux prisonniers, aux personnes internées dans les asiles psychiatriques… “J’ai fait ce type d’expérience à La Joliette, à Boudevilliers. Poursuivre dans cette voie-là, j’y tiens beaucoup.”
Dominique Bosshard