Un clown pas si fou que ça
LE NOUVELLISTE
mercredi 15 octobre 2014
PORTRAIT : Pierre Miserez aime se déchaîner sur scène, comme il le démontrera dès jeudi au Théâtre Alizé à Sion. Dans la vie, le Neuchâtelois révèle une facette toute de sensibilité.
Quand Pierre Miserez débarque sur la terrasse du bistro sédunois dans lequel il nous a donné rendez-vous, c’est un véritable bureau qui s’installe: le comédien et humoriste neuchâtelois d’origine jurassienne étale ses documents, parmi lesquels figurent les foyers de son nouveau spectacle, “Excusez-moi”, qu’il joue dès jeudi au Théâtre Alizé à Sion. “Je distribue moi-même les pubs de mon spectacle dans les bistros. Du coup, je bois des verres!” Il est comme cela, Pierre Miserez: à la fois entier, sur de son art, et, paradoxalement, inquiet. Toujours.
L’homme s’est produit en solo à Paris, a tâté auparavant du théâtre plus classique, bifurqué durant des années en Suisse alémanique, et il revient à Sion, un peu discrètement, malgré une carte de visite qui pourrait faire pâlir certains jeunes comiques prétentieux et arrogants.
Cet été, Pierre Miserez, qui vit à Genève, a donc pris le Valais comme résidence secondaire. “Je suis tombé amoureux du Théâtre Alizé, alors j’ai loué la salle durant deux mois pour retravailler ce spectacle que j’avais lancé à St-Imier, là où ma mère est née.” Il ajoute, avec son accent digne de Cuche et Barbezat: “J’aime venir au Valais (sic!). Particulièrement aux Marécottes.” Barbezat, justement, c’est lui qui a jeté un “regard extérieur” sur le spectacle monté à Sion. “Il m’a fait changer des choses, ce qui n’as pas toujours été facile, mais il a toujours de bons arguments.”
Succès à l’étranger
Il y a bien des années, dans une autre vie, Pierre Miserez avait connu un joli succès à Paris, notamment au fameux Point Virgule. “J’y présenté mes sketchs durant huit mois, les lundis et mardis soir. Puis je suis allé à Avignon avec mes potes Tex et Pierre Aucaigne.” N’a-t-il jamais eu envie de s’installer durablement en France? “Non, car au bout d’un moment, la Suisse me manque: il me faut mes montagnes, mes sapins et ma fondue.”
L’humoriste confesse qu’à ses débuts, son accent cultivé à la Chaux-de-Fonds lui a valu des complexes vis-à-vis de Genève et de Paris. Mais l’artiste a su imposer sa personnalité sur les planches. Notamment en Suisse alémanique. “C’est Dimitri qui m’a conseillé d’aller jouer là-bas”.
Une fois lâché sur scène, le comique ne connaît pas la retenue: “En France, on parlait souvent de moi dans la presse en me qualifiant de “clown fou furieux” dans les titres.” Une définition reprise par son complice Frédéric Perrier, ami de Pierre Miserez depuis quinze ans, avec qui il a souvent joué dans la Swiss Comic Connection, troupe de spectacles de rue. “Avec Pierre, le feu ne s’arrête jamais. J’aime beaucoup sa façon poétique de faire les choses, raconte le comédien valaisan. Il est tout le temps en recherche d’idées drôles. Même après le spectacle, autour d’un verre, il continue de faire le clown. Il m’a encouragé à me lancer dans le one man show. Après les spectacles de rue, il m’a appris à aller vers les gens, à choper l’attention du public. Il m’a aussi appris que, dans ce métier, il fallait s’investir, ne pas regarder à la dépense. Il est capable de mener sa barque tout seul.” Comme il le fait en distribuant tout seul ses flyers, par exemple.
Un équilibre trouvé
Classé “électron libre” au théâtre, amoureux de l’improvisation, Pierre Miserez s’est vraiment trouvé en faisant des sketchs sur scène ou dans la rue. Mais derrière le personnage haut en couleur se cache un homme souvent fragile. Frédéric Perrier: “Pierre est très, très, très, très, très angoissé!” L’intéressé ne démentira pas, avouant qu’il vomissait avant d’entrer en scène, dans ses jeunes années. “Là, ça va mieux, j’ai atteint une certaine maturité.”
Aujourd’hui, à 63 ans, s’il se dit toujours angoissé, Pierre Miserez a trouvé un équilibre, notamment grâce à l’enseignement de diction théâtrale, qu’il dispense dans un collège genevois. Une pratique qui lui a “redonné la pêche” après une période troublée par quelques ennuis de santé.
Avant que la distribution de flyers ne se poursuive, nous apprendrons encore que l’homme de théâtre va voir beaucoup de spectacles et qu’il n’est pas trop copain avec la télé. “Elle détruit souvent l’image d’un artiste. Je défends le live, le direct. Dimitri me disait encore qu’il était triste, parce que, dans son école, les jeunes ne veulent plus devenir clowns, ils désirent fait du stand-up, car c’est à la mode. Je ne fais pas partie de ce monde.”
Le monde de Pierre Miserez, c’est “le bonheur de jouer” son spectacle, qu’il espère faire tourner durant des années.
Joël Jenzer