Pierre Miserez au CCL : au trou la misère
Le Journal du Jura
Critique
Grande rentrée au CCL de St-Imier, avec Pierre Miserez dans son nouveau spectacle solo! L’artiste nous revient en pleine possession de ses moyens, déroulant ses sketches avec un sens de la précision qui ferait rougir les horlogers de la Chaux-de-Fonds, sa ville natale, dont les souvenirs constituent son fond de personnage d’anar jurassien qui aime la goutte. Rien et tout semblent séparer le Miserez d’aujourd’hui de celui qui montait son premier succès public, “One man seul”, à l’aube des années quatre-vingt, enchaînant les tournées dans la francophonie. Trente-quarte ans plus tard, quelques crève-coeurs et coups du sort au passif, et une passion toujours renouvelée pour le genre comique à l’actif, Miserez repasse ses classiques pour la mise en bouche. Dans le désordre, Léonard Cohen fasciné par Zouc (autre artiste jurassienne que nous aimons toujours autant), le mime acoustique et néo-contemporain, dont la célèbre pendule neuchâteloise, et, comme de bien entendu, Beuchat et son fameux cri de ralliement : “Il est où mon chapeau?”
Mais la lassitude, espèce de gueuze mal torchée, guette le doux Miserez “Excusez-moi” devient son second souffle, donnant au passage son titre à ce spectacle. Bazar des désillusions perdues et du bonheur de s’en tamponner le coquillart. Devant les misères de l’existence, Miserez fait face, cash. Prêt à dégommer tous les parasites du désir. Certes, ça se traine parfois dans le registre “soirées de camps de ski”, où le rire légèrement ivre domine. Et puis, tout-à-coup-de-théâtre, ça farte grave, avec notamment une évocation juste épatante de notre beau pays la Suisse, à travers ses paysages sublimes, ses mythes en croûte et ses casseroles usées. Dès lors, Miserez fait le con dans toute la splendeur de son art, impertinent bouffon, inscrivant son nom en lettres dorées au panthéon des humoristes authentiques, Bernard Haller, Pierre Desproges, Woody Allen, Peter Wyssbrod (artistes aimés, ô combien nécessaires!). Rhôôô, mais oui, Miserez, toi aussi, on t’aime.
Antoine Le Roy