Le Miserez nouveau est arrivé
Journal Coopération
22 juin 1989
La main tendue ne répond plus
Le nouveau spectacle de Pierre Miserez, monté avec la complicité du metteur en scène Nago Humbert, vaut largement le détour.
Après neuf ans de scène, trois spectacles avec son personnage-miroir Beuchat, Pierre Miserez était attendu au “contour”. Or il a choisi la voie la plus périlleuse parmi celles qui s’offraient à lui: laisser le manteau de Beuchat au vestiaire et inventer un autre univers.
Par un habile détournement, il sen sert de ses doutes, de ses angoisses, de sa panique devant la panne d’idées, pour déclencher le rire. Philosophe-funambule, il fait le tour des grands problèmes de l’heure: “La mort de forêts, des gorilles, la spiritualité”, tout en rappelant constamment au public le temps qui se faufile entre deux sourires, deux questions.
Parfois vulgaire, (son adresse aux: “cher amis du cancer du sein et aux cher amis de la sodomisation” ne figurera pas dans l’anthologie du bon goût) le nouveau Miserez se montre surtout observateur subtil (et terriblement retors) des rapports ambigus qui lient l’artiste au public. S’il a le contrat impératif de nous faire rire, le comique neuchâteloise n’entende pas le faire tout seul, et le spectateurs pris à partie, utilisés ne peuvent rester d’innocent voyeurs. Du supporter du Xamax au thérapeute de groupe en passant par le théâtraux d’avant-garde, le chanteur de charme, la tante Edwige et le répondeur automatique, Miserez nous présente un kaléidoscope de notre quotidien. Il se révèle un véritable homme de ce métier dont il met à nu certains ressorts (pour mieux rebondir). Il faut le voir danser, chanter: ce Pierrot-là est prêt pour un long voyage au pays des étoiles.