L’évidence du grand talent
La tribune
Pierre Miserez sur scène
Pantalon carolé trop court, baskets blanches, manteau de lain trop large pour le Miserez qu’il contient, une canne, un chapeau: Beuchat arrive, pour vous faire rire! Beuchat, c’est un peu vous, un peu moi, un peu nous, n’importe qui, même qu’il ressemble drôlement au Suisse moyen. Beuchat est un personnage-prétexte investi par le comédien Pierre Miserez pour présenter son “One-Man-Seul”.
Après un enfances et un adolescence chaux-de-fonnières, Pierre Miserez est allé faire ses gammes d’acteur à Genève. Il a passé au TREC, travaillé pour la TV romande, tenu un rôle dans le “Tartuffe” monté par Mentha au Théâtre Kléber-Méleau. Maintenant, il se sent assez fort pour se lancer tout seul sur scène. “One Man Seul” a été très bien accueilli à Genève et Miserez s’apprête à tourner en suisse romande. S’il passe près de chez vous, ne le manquez sous aucun prétexte!
Récemment il est retourné aux sources et Miserez-Beuchat a rempli quatre fois le Théâtre ABC de la Chaux-de-Fonds. Il se passe avec Miserez un peu le même phénomène qu’avec Zouc: on ne peut le voir, l’entendre, sans être frappé par l’évidence de son immense talent. Beuchat, personnage indécis, parfois peu crédible, pourrait irriter, mais grâce a Miserez, on s’ennuie pas un minute pendant une heure et demie. C’est que Beuchat est un personnage multiple qui tourne en ridicule toutes nos chimères. Avec une agilité stupéfiante, il se glisse danse un foule de personnages et cependant Miserez est toujours seul sur la scène, seul avec Beuchat.
Sans égard pour le fanatique du gag, Miserez se retire une fois avec un alcoolique grandeur nature, un alcoolique si vrai, si douloureux, que Miserez va vous faire pleurer. Mais ce n’est peut-être qu’une impression, il s’est déjà glissé dans la peau d’un enfant plein de foi récitant “Noël-Noël!” Beuchat se permet même de dialoguer avec Dieu et Miserez de jouer au Club Méditerranée avec le public, un interminable jouer de chapeau à toi-à moi. Ce jeu stupide, poussé jusqu’aux limites du possible, résume peut-être le monde absurde de Beuchat, que Miserez a poussé sur la scène pour régler ses comptes. Le personnage est né, je crois qu’on peut compter sur son père pour l’aider à grandir. Je crois même que Miserez ira loin, avec ou sans Beuchat.
Jean-B. Vuillème