Mais s’qu’il est drôle Pierre Miserez!
Quotidien jurassien – CRITIQUE
20 novembre 2014
Pierre Miserez est dans une maturité qui, tel un costume à multiples sens empilés, lui sied bien car il semble que cet artiste adepte de la solitude sur scène puisse la mettre et l’enlever sans problème, voguant avec énergie de son être à ses multiples Autres. Il est vieux et enfant, il est pitre et normal, il est bavard et concis, il est mime et grave, il a toujours son accent de la montagne, il est poète et tragédien, il est acrobate mais pas en danger (quoique, comme dit l’autre, Tremble, carcasse!), il est caché derrière les rideaux rouges de sa boîte à malices, il est en pleine lumière, il est tout nu, il n’a peur de rien, il provoque à la cantonade, il est drôle et triste, il s’en veut beaucoup, il est auteur, compositeur, interprète, musicien – montrant d’ailleurs une tendre affection pour les instruments qui ont droit à ses bisous – il est remarquable chansonnier, etc.
Il y en a qui disent que pour un clown, cette virtuosité, magistrale et polyvalente, c’est complètement normal. On imagine qu’une telle assertion, ça pourrait l’énerver, car un métier dramaturgi- que comme ça, si marginal, si épuisant, entre folie du rire et folie tout court, qu’est-ce que ça doit faire souffrir, il nous l’a d’ailleurs démontré dans son spectacle le week-end passé à Delémont, devant un public conquis et rieur, quand la dissociation le guette: ainsi, cette dernière n’a-t-elle pas, sur l’échelle branlante de l’art – savamment utilisée par un Miserez démiurge de lui-même – joué double jeu avec un personnage grimaçant et tout puissant, livrant une rude bataille contre son désespéré et gémissant support humain? Mais au bout du compte, l’homme, l’artiste et toute sa population – aussi imaginaire que concrète – tiennent bien le coup, offrant une prestation qui va crescendo au gré d’une cohérente densité.
A voir absolument, ne serait-ce que pour rire, car c’est du sérieux.
PASCALE STOCKER
Excusez-moi, one-man show de Pierre Miserez. Prochaines représentations: jeudi 4, vendredi 5 et samedi 6 décembre, 20 h, Théâtre du Pommier, Neuchâtel.